« Ces images ne sont pas entièrement les miennes »


On reproche souvent aux intelligences artificielles (IA) génératives, qui permettent de créer des images en les décrivant en quelques mots, de piller les œuvres d’artistes bien humains pour entraîner leurs neurones artificiels. Ces accusations ont beau s’amplifier depuis l’émergence, à la mi-2022, d’outils comme DALL-E, Midjourney, Stable Diffusion ou Photoshop AI, elles ne dissuadent pas des apprentis créateurs de les utiliser pour fabriquer des visuels.

Parmi ceux qui s’y essayent, des dizaines ressassent sur Instagram un langage graphique déjà rebattu malgré son jeune âge, fait d’objets gonflés, de façades drapées ou d’icônes pop remâchées. Mais d’autres comptes poursuivent une quête plus personnelle, laissant entrevoir plusieurs formes de contributions que l’IA pourrait apporter aux arts plastiques, à l’architecture ou à la mode. Le Monde s’est entretenu avec cinq de ces créateurs, à la fois singuliers et influents sur Instagram, afin d’en savoir plus sur leur démarche, leur parcours et la façon dont ils conçoivent – ou non – leur statut d’artiste utilisant une technologie controversée.

Hassan Ragab (@hsnrgb)

Hassan Ragab a commencé à s’intéresser à l’IA pour le plaisir, « pour explorer de nouvelles idées avec une vitesse et une liberté nouvelles, et développer [son] vocabulaire architectural, puis au final, mieux comprendre [ses] attirances ». Pour lui, « tout est mélange », et l’IA est « imbattable pour réaliser des associations inédites en injectant dans l’architecture des concepts qui lui sont extérieurs ». Ce qui permet de « ne plus s’exprimer uniquement à travers la géométrie ».

Ses œuvres montrent des bâtiments aux pieds fragiles, des immeubles couchés par le vent, des téléphériques habitables… L’éclectisme forcené d’Hassan Ragab sauve ses images des clichés façadistes et paramétriques générés par IA, qui foisonnent sur Instagram. Un effort d’originalité permanent pour cet architecte confirmé, selon qui « le mariage entre IA et réseaux sociaux est dangereux : toutes les images finissent par se ressembler ».

Cet outil lui permet aussi d’explorer le pan caché de sa double identité d’Egyptien immigré aux Etats-Unis, en interrogeant l’habitat des pays moins riches, qu’Hassan Ragab juge « négligé par l’architecture, trop tournée vers l’amélioration du quotidien des happy few ». Une recherche qui « aurait pris quinze ans » s’il l’avait menée avec des moyens traditionnels, comme les outils de conception 3D classiques. Enfin l’IA lui permet de relativiser son importance en tant que créateur : « Ces images ne sont pas entièrement les miennes, mon ego artistique est devenu moins envahissant. »

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Catégorie article Politique

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